Les Marolles avec Jérôme
Il y passe tous les jours. Absolument tous les jours. Alors que ce n’est ni à côté de chez lui, ni sur son chemin. Il ne s’y rend pas vraiment pour les bonnes affaires. Juste pour le plaisir enfantin de la chasse au trésor et pour l’amour des objets mystérieux dont on ne connaît pas toujours l’utilité. Un jour, il est tombé comme ça sur un moule de pharmacien pour faire des suppositoires, une vraie énigme à résoudre.
Il me dit que même si l’ambiance est différente tous les jours, le rituel, lui, reste immuable. A 7h les camions arrivent, à 8 tout le monde est à déballer, à 9 la police siffle l’heure de ranger les camions plus loin. Selon Jérôme il faut arriver à 8h ; avant il n’y a rien d’intéressant, après non plus. Ça l’énerve un peu quand il entend qu’on peut retrouver les objets qui nous ont été volés sur ce marché. Ce que l’on vend ici c’est surtout le contenu des maisons qu’on a demandé de vider après la mort de quelqu’un. Des années de souvenirs familiaux répartis dans différents cartons disposés à même le pavé. Les amoureux des objets de niche les fouillent à la recherche de la perle rare. Jérôme a la passion des vieux outils, ceux qui fonctionnent encore après des années d’utilisation. Ce matin il passe vingt bonnes minutes à en discuter avec Mohammed, dont le stand est un condensé de merveilles de ce genre, disposées selon une scénographie minutieuse. Ils comparent leurs plus belles trouvailles d’outils dont je serais bien en peine de dire à quoi ils servent. Mais eux savent et les admirent comme des œuvres d’art.
Il me dit de repasser, que j’y prendrai goût. Je n’en doute pas, je rentre d’ailleurs avec, sous le bras, le tapis parfait que je cherchais depuis des mois.