Le magnétisme du Jeu de Balle

Certains lieux dégagent un magnétisme particulier. Ils nous attirent, alors on y retourne, comme une forme de nécessité. C’est peut-être pour ça que je finis ma déambulation là où elle avait commencé, au Jeu de Balle. J’y croise Pierre qui a son heure rituelle pour y aller, comme la plupart des habitués du marché. Il aime s’y rendre passé midi, sur le chemin du travail. C’est le moment où les marchands doivent commencer à liquider les stocks ; toujours ça de moins à remballer. Pierre me dit que chacun a sa litanie pour haranguer le badaud et éveiller l’appétit de la bonne affaire à ne pas rater. Lui vient surtout porté par le plaisir curieux d’imaginer l’histoire cachée derrière un objet mystérieux. Il a remarqué que chaque jour avait sa thématique. Aujourd’hui, ce sont les ampoules qui inondent le marché. Elles sont partout, de tout âge, de toute forme. En experts improvisés, nous les scrutons pour déterminer si elles fonctionnent encore. Il y a aussi beaucoup de lampes, la plupart sans ampoule, mais on sait d’ores et déjà qu’il serait vain de chercher à faire correspondre le tout. Ce n’est pas un marché pour trouver des choses qui vont ensemble. Au contraire, la magie magnétique du Jeu de Balle doit beaucoup à l’œuvre du joli hasard qui réalise les assemblages les plus improbables. À l’image de ce quartier dont il est l’épicentre et qui a ce don particulier des mariages inattendus. Cette diversité m’a été brandie comme une fierté par tous ceux que j’avais pu rencontrer au cours de mes déambulations. Les Marolles avaient un sens de l’accueil unique, ce don particulier de mettre tout le monde à l’aise. Et le Jeu de Balle en était l’illustration la plus merveilleuse. Car existe-t-il un autre endroit à Bruxelles où tout le monde peut trouver un objet-trésor qui réveille des souvenirs oubliés quelque part dans les limbes de l’enfance ?